Agualusa

Le paradis est l'espace que nous occupons dans le coeur des autres.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Anonyme

Berr gavan an amzer,
Hag ar poanioù dister,
O soñjal deiz ha noz,
E gloar ar baradoz.
Je trouve le temps court,
Et légères les peines,
En songeant nuit et jour
A la gloire du Paradis.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Antias

Increscunt animi, virescit volnere virtus.
La blessure stimule et redonne courage.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Apuleus

Flamma saevi amoris parva quidem primo vapore delectet, sed fomentis consuetudinis exaestuans inmodicis ardoribus totos amburat homines.
La flamme du cruel amour, lorsqu'elle est encore faible, nous charme en sa jeune ardeur, mais, lorsqu'elle a été nourrie par l'habitude et est devenue fournaise, engloutit les humains dans son brasier sans mesure.

voir l'oeuvre correspondante



Relictis somnulentis tenebris ad aliam poenalem evigila caliginem. Attolle vacuam faciem, vindictam recognosce, infortunium intellege, aerumnas computa.
Abandonne les ténèbres du sommeil et éveille-toi à une autre nuit, celle de ton châtiment. Lève un visage vide, reconnais la vengeance, comprends ton malheur, fais le compte de tes maux.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Aragon

Mais les mots qu'au vent noir je sème. Qui sait si vous les entendez. Tout se perd et rien ne vous touche, ni mes paroles ni mes mains. Et vous passez votre chemin sans savoir ce que dit ma bouche.

retour haut de page

Artaud

Il y a dans toute poésie une contradiction essentielle. La poésie, c'est de la multiplicité broyée et qui rend des flammes. Et la poésie, qui ramène l'ordre, ressuscite d'abord le désordre, le désordre des aspects enflammés ; elle fait s'entre-choquer des aspects qu'elle ramène à un point unique : feu, geste, sang, cri. Ramener la poésie et l'ordre dans un monde dont l'existence même est un défi à l'ordre, c'est ramener la guerre et la permanence de la guerre ; c'est amener un état de cruauté appliqué, c'est susciter une anarchie sans nom, l'anarchie des choses et des aspects qui se réveillent avant de sombrer à nouveau et de se fondre dans l'unité. Mais celui qui réveille cette anarchie dangereuse en est toujours la première victime.

voir l'oeuvre correspondante



L'arbre

Cet arbre et son frémissement
forêt sombre d'appels,
de cris,
mange le coeur obscur de la nuit.
Vinaigre et lait, le ciel, la mer,
la masse épaisse du firmament,
tout conspire à ce tremblement,
qui gîte au coeur épais de l'ombre.
Un coeur qui crève, un astre dur
qui se dédouble et fuse au ciel,
le ciel limpide qui se fend
à l'appel du soleil sonnant,
font le même bruit, font le même bruit,
que la nuit et l'arbre au centre du vent.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Balzac

La douleur est comme ces tiges d'acier que les sculpteurs mettent au sein de leur oeuvre, elle soutient.

retour haut de page

Baudelaire

Harmonie du soir

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir,
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige!
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Son souvenir en moi luit comme un ostensoir!



Anges habillés d'or, de pourpre et d'hyacinthe.
Le génie et l'amour sont des devoirs faciles.

retour haut de page

Ben Jelloun

On est tous à la recherche d'une frontière, une ligne claire entre le rêve et la réalité

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Bible

In principio creavit Deus caelum et terram.
Terra autem erat inanis et vacua, et tenebræ erant super faciem abyssi: et spiritus Dei ferebatur super aquas.
Dixitque Deus: Fiat lux. Et facta est lux.
Et vidit Deus lucem quod esset bona: et divisit lucem a tenebris.
Appellavitque lucem Diem, et tenebras Noctem: factumque est vespere et mane, dies unus.
Dixit quoque Deus: Fiat firmamentum in medio aquarum: et dividat aquas ab aquis.
Et fecit Deus firmamentum, divisitque aquas, quæ erant sub firmamento, ab his, quæ erant super firmamentum. Et factum est ita.
Vocavitque Deus firmamentum, Cælum: et factum est vespere et mane, dies secundus.
Dixit vero Deus: Congregentur aquæ, quæ sub cælo sunt, in locum unum: et appareat arida. Et factum est ita.
Et vocavit Deus aridam Terram, congregationesque aquarum appellavit Maria. Et vidit Deus quod esset bonum.
Et ait: Germinet terra herbam virentem, et facientem semen, et lignum pomiferum faciens fructum juxta genus suum, cujus semen in semetipso sit super terram. Et factum est ita.
Et protulit terra herbam virentem, et facientem semen juxta genus suum, lignumque faciens fructum, et habens unumquodque sementem secundum speciem suam. Et vidit Deus quod esset bonum.
Et factum est vespere et mane, dies tertius.
Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.
La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.
Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut.
Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres.
Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour.
Dieu dit: Qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux.
Et Dieu fit l'étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l'étendue d'avec les eaux qui sont au-dessus de l'étendue. Et cela fut ainsi.
Dieu appela l'étendue ciel. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le second jour.
Dieu dit: Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse. Et cela fut ainsi.
Dieu appela le sec terre, et il appela l'amas des eaux mers. Dieu vit que cela était bon.
Puis Dieu dit: Que la terre produise de la verdure, de l'herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi.
La terre produisit de la verdure, de l'herbe portant de la semence selon son espèce, et des arbres donnant du fruit et ayant en eux leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.
Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le troisième jour.

voir l'oeuvre correspondante



Et cum aperuisset sigillum septimum, factum est silentium in caelo, quasi media hora.
Et vidi septem angelos stantes in conspectu Dei: et datae sunt illis septem tubae.
Et alius angelus venit, et stetit ante altare habens thuribulum aureum: et data sunt illi incensa multa, ut daret de orationibus sanctorum omnium super altare aureum, quod est ante thronum Dei.
Et ascendit fumus incensorum de orationibus sanctorum de manu angeli coram Deo.
Et accepit angelus thuribulum, et implevit illud de igne altaris, et misit in terram: et facta sunt tonitrua, et voces, et fulgura, et terraemotus magnus.
Et septem angeli, qui habebant septem tubas, praeparaverunt se ut tuba canerent.
Et primus angelus tuba cecinit, et facta est grando, et ignis, mista in sanguine, et missum est in terram, et tertia pars terrae combusta est, et tertia pars arborum concremata est, et omne f?num viride combustum est.
Et secundus angelus tuba cecinit: et tamquam mons magnus igne ardens missus est in mare, et facta est tertia pars maris sanguis
Quand il ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d'environ une demi-heure.
Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu, et sept trompettes leur furent données.
Et un autre ange vint, et il se tint sur l'autel, ayant un encensoir d'or; on lui donna beaucoup de parfums, afin qu'il les offrît, avec les prières de tous les saints, sur l'autel d'or qui est devant le trône.
La fumée des parfums monta, avec les prières des saints, de la main de l'ange devant Dieu.
Et l'ange prit l'encensoir, le remplit du feu de l'autel, et le jeta sur la terre. Et il y eut des voix, des tonnerres, des éclairs, et un tremblement de terre.
Et les sept anges qui avaient les sept trompettes se préparèrent à en sonner.
Le premier sonna de la trompette. Et il y eut de la grêle et du feu mêlés de sang, qui furent jetés sur la terre; et le tiers de la terre fut brûlé, et le tiers des arbres fut brûlé, et toute herbe verte fut brûlée.
Le second ange sonna de la trompette. Et quelque chose comme une grande montagne embrasée par le feu fut jeté dans la mer; et le tiers de la mer devint du sang

voir l'oeuvre correspondante



Ne temere quid loquaris,
neque cor tuum sit velox ad proferendum sermonem coram Deo.
Deus enim in caelo, et tu super terram;
idcirco sint pauci sermones tui.
Ne te presse pas d'ouvrir la bouche,
et que ton coeur ne se hâte pas d'exprimer une parole devant Dieu.
Car Dieu est au ciel, et toi sur la terre;
que tes paroles soient donc peu nombreuses.

voir l'oeuvre correspondante



Ingrediatur ad doctrinam cor tuum,
et aures tuae ad verba scientiae.
Ouvre ton coeur à l'instruction,
Et tes oreilles aux paroles de la science.

voir l'oeuvre correspondante



Nunc dimittis servum tuum Domine,
secundum verbum tuum in pace:
quia viderunt oculi mei salutare tuum,
quod parasti ante faciem omnium populorum:
lumen ad revelationem gentium,
et gloriam plebis tuae Israël.
Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur s'en aller en paix,
selon ta parole.
Car mes yeux ont vu ton salut,
Salut que tu as préparé devant tous les peuples,
Lumière pour éclairer les nations,
et gloire d'Israël, ton peuple.

voir l'oeuvre correspondante



Et ne quis possit emere aut vendere nisi qui habet caracter nomen bestiae aut numerum nominis eius
Et que nul ne pût acheter ni vendre, s'il n'avait pas la marque, à savoir le nom de la bête ou le chiffre de son nom

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Bobin

Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Borges

Si l'honneur, la sagesse et la joie ne sont pas pour moi, qu'ils soient pour d'autres. Que le ciel existe, même si ma place est l'enfer.



Personne ne peut articuler une syllabe qui ne soit pleine de tendresses et de terreurs, qui ne soit quelque part le nom puissant d'un dieu.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Boulgakov

O dieux, dieux ! comme la terre est triste, le soir ! Que de mystères dans les brouillards qui flottent sur les marais ! Celui qui a erré dans ces brouillards, celui qui a beaucoup souffert avant de mourir, celui qui a volé au-dessus de cette terre en portant un fardeau trop lourd, celui-là sait ! Celui-là sait, qui est fatigué. Et c'est sans regrets, alors, qu'il quitte les brumes de cette terre, ces rivières et ses étangs, qu'il s'abandonne d'un coeur léger entre les mains de la mort, sachant qu'elle — et elle seule — lui apportera la paix.

retour haut de page

Bukowksi

Evidemment, le problème de toute affirmation est qu'elle est facilement aussi une contre-vérité, un vérité partielle, un mensonge ou un vieux géranium.

retour haut de page

Butler

Spontaneity is only a term for man's ignorance of the gods
Volonté n'est que le terme par lequel l'homme exprime son ignorance des dieux.



We find it difficult to sympathise with the emotions of a potato; so we do with those of an oyster. Neither of these things makes a noise on being boiled or opened, and noise appeals us more strongly than anything else, because we make so much about our own sufferings. Since, then, they do not annoy us by any expression of pain we call them emotionless; and so quâ mankind they are; but mankind is not everybody.
Il ne nous est pas très facile de sympathiser avec les émotions d'une pomme de terre, pas plus qu'avec celles d'une huître. Ni la pomme de terre ni l'huître ne font du bruit quand on fait bouillir l'une ou qu'on ouvre l'autre, et le bruit pour nous a plus d'éloquence que toute autre chose, parce que nous en faisons tant pour nos propres souffrances ! Il s'ensuit que du moment qu'elles ne nous importunent par aucune expression de douleur, nous disons qu'elles ne sentent rien. Elles ne sentent rien effet du point de vue du genre humain. Mais le genre humain n'est pas tout le monde.

retour haut de page

Céline

La plupart des gens ne meurent qu'au dernier moment ; d'autres commencent et s'y prennent vingt ans d'avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre.



C'est l'âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n'a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès qu'on a plus en soi la somme suffisante de délire ? La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi.



On devient rapidement vieux et de façon irrémédiable encore. On s'en aperçoit à la manière qu'on a prise d'aimer son malheur malgré soi.



C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir.



Des vagues incessantes d'êtres inutiles viennent du fond des âges mourir tout le temps devant nous, et cependant on reste là, à espérer des choses... Même pas bon à penser la mort qu'on est.

retour haut de page

Calvo

Au début, il y avait un ordre dans le chaos, l'ordre de chaque chose emboîtée dans l'autre, les formes dans des formes. Et puis la raison est arrivée, et nous avons créé la cause et l'effet, et tout est devenu calculé, sauf le hasard, qui sont ces événements qui n'appartiennent pas à la raison et qui semblent être aussi triviaux qu'importants. Le hasard est l'ordre véritable du monde.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Camus

Dans l'attachement d'un homme a sa vie, il y a quelque chose de plus fort que toutes les misères du monde. Le jugement du corps vaut bien celui de l'esprit et le corps recule devant l'anéantissement. Nous prenons l'habitude de vivre avant d'acquérir celle de penser. Dans cette course qui nous précipite tous les jours un peu plus vers la mort, le corps garde cette avance irréparable. Si la pensée découvrait dans les miroirs changeant des phénomènes, des relations éternelles qui les puissent résumer et se résumer elles-mêmes en un principe unique, on pourrait parler d'un bonheur de l'esprit dont le mythe des bienheureux ne serait qu'une ridicule contrefaçon. Cette nostalgie d'unité, cet appétit d'absolu illustre le mouvement essentiel du drame humain.



Etranger à moi-même et à ce monde, armé pour tout secours d'une pensée qui se nie elle-même dès qu'elle affirme, quelle est cette condition où je ne puis avoir la paix qu'en refusant de savoir et de vivre, où l'appétit de conquête se heurte a des murs qui défient ses assauts ? Vouloir, c'est susciter les paradoxes. Tout est ordonné pour que prenne naissance cette paix empoisonnée que donne l'insouciance, le sommeil du coeur ou les renoncements mortels.



Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des justes. Il y a une chaleur qui n'est pas pour nous. Ah! pitié pour les justes!



Imaginez Dieu sans les prisons. Quelle solitude!



La créature est abjecte. Que faire d'autre que la détruire ou lui pardonner ?



L'ignorance reconnue, le refus du fanatisme, les bornes du monde et de l'homme, le visage aimé, la beauté enfin, voici le camp où nous rejoindrons les Grecs. D'une certaine manière, le sens de l'histoire de demain n'est pas celui qu'on croit. Il est dans la lutte entre la création et l'inquisition. Malgré le prix que coûteront aux artistes leurs mains vides, on peut espérer leur victoire. Une fois de plus, la philosophie des ténèbres se dissipera au-dessus de la mer éclatante. O pensée de midi, la guerre de Troie se livre loin des champs de bataille ! Cette fois encore, les murs terribles de la cité moderne tomberont pour livrer, "âme sereine comme le calme des mers", la beauté d'Hélène.



Le secret que je cherche est enfoui dans une vallée d'oliviers, sous l'herbe et les violettes froides, autour d'une vieille maison qui sent le sarment. Pendant plus de vingt ans, j'ai parcouru cette vallée, et celles qui lui ressemblent, j'ai interrogé des chevriers muets, j'ai frappé à la porte de ruines inhabitées. Parfois, à l'heure de la première étoile dans le ciel encore clair, sous une pluie de lumière fine, j'ai cru savoir. Je savais en vérité. Je sais toujours, peut-être. Mais personne ne veut de ce secret, je n'en veux pas moi-même sans doute, et je ne peux me séparer des miens. Je vis dans ma famille qui croit régner sur des villes riches et hideuses, bâties de pierres et de brumes. Jour et nuit, elle parle haut, et tout plie devant elle qui ne plie devant rien : elle est sourde à tous les secrets. Sa puissance qui me porte m'ennuie pourtant et il arrive que ses cris me lassent. Mais son malheur est le mien, nous sommes du même sang. Infirme aussi, complice et bruyant, n'ai-je pas crié parmi les pierres ? Aussi je m'efforce d'oublier, je marche dans nos villes de fer et de feu, je souris bravement à la nuit, je hèle les orages, je serai fidèle. J'ai oublié, en vérité : actif et sourd, désormais. Mais peut-être un jour, quand nous serons prêts à mourir d'épuisement et d'ignorance, pourrais-je renoncer à nos tombeaux criards, pour aller m'étendre dans la vallée, sous la même lumière, et apprendre une dernière fois ce que je sais.

voir l'oeuvre correspondante



Ainsi, moi qui ne possède rien, qui ai donné ma fortune, qui campe auprès de toutes mes maisons, je suis pourtant comblé quand je le veux, j'appareille à toute heure, le désespoir m'ignore. Point de patrie pour le désespéré et moi, je sais que la mer me précède et me suit, j'ai une folie toute prête. Ceux qui s'aiment et qui sont séparés peuvent vivre dans la douleur, mais ce n'est pas le désespoir : ils savent que l'amour existe. Voilà pourquoi je souffre, les yeux secs, de l'exil. J'attends encore. Un jour vient, enfin ...



L'espace et le silence pèsent d'un seul poids sur le coeur. Un brusque amour, une grande oeuvre, un acte décisif, une pensée qui transfigure, à certains moments donnent la même intolérable anxiété, doublée d'un attrait irrésistible. Délicieuse angoisse d'être, proximité exquise d'un danger dont nous ne connaissons pas le nom, vivre, alors, est-ce courir à sa perte ? A nouveau, sans répit, courons à notre perte.

retour haut de page

Chevillard

La silhouette parfaitement rectangulaire de la nuit se découpe à la fenêtre, occultant nos dernières différences.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Cioran

On a toujours quelqu'un au-dessus de soi : par-delà Dieu même s'élève le néant.



Les tourmentés, que sont-ils, sinon des martyrs aigris faute de savoir pourquoi s'immoler ?



Penser, c'est se plier aux injonctions et aux lubies d'une santé incertaine.



Etre ou ne pas être.
ni l'un ni l'autre.



Le doute s'insinue partout, avec cependant une exception de taille : il n'y a pas de musique sceptique.



Si l'homme oublie si facilement qu'il est maudit, c'est parce qu'il l'est depuis toujours.



La mission de tout un chacun est de mener à bien le mensonge qu'il incarne, de parvenir à n'être plus qu'une illusion épuisée.



Une flamme traverse le sang. Passer de l'autre côté, en contournant la mort.



J'aimerais tout oublier et me réveiller face à la lumière d'avant les instants.

voir l'oeuvre correspondante



Avoir vécu depuis toujours avec la nostalgie de coïncider avec quelque chose, sans, à vrai dire, savoir avec quoi... Il est aisé de passer de l'incroyance à la croyance, ou inversement. Mais à quoi se convertir, et quoi abjurer, au milieu d'une lucidité chronique ? Dépourvue de substance, elle n'offre aucun contenu qu'on puisse renier; elle est vide, et on ne renie pas le vide : la lucidité est l'équivalent négatif de l'extase.

voir l'oeuvre correspondante



...vivre, c'est s'aveugler sur ses propres dimensions.



Nos solitudes à fleur de peau, quel enfer pour les autres!



L'homme idéalement lucide, donc idéalement normal, ne devrait avoir aucun recours en dehors du rien qui est en lui... Je me figure l'entendre : "arraché au but, à tous les buts, je ne conserve de mes désirs et de mes amertumes que leur formule. Ayant résisté à la tentation de conclure, j'ai vaincu l'esprit, comme j'ai vaincu la vie par l'horreur d'y chercher une solution. Le spectacle de l'homme, -quel vomitif ! L'amour, - une rencontre de deux salives... Tous les sentiments puisent leur absolu dans la misère des glandes. Il n'est de noblesse que dans la négation de l'existence, dans un sourire qui surplombe des paysages anéantis. (Autrefois j'avais un "moi", je ne suis plus qu'un objet... Je me gave de toutes les drogues de la solitude, celles du monde furent trop faibles pour me le faire oublier. Ayant tué le prophète en moi, comment aurais-je encore une place parmi les hommes ?)"



En haussant l'anecdote humaine à la dignité de drame cosmique, le christianisme nous a trompé sur notre insignifiance, il nous a précipités dans l'illusion, dans cet optimisme morbide qui, au mépris de l'évidence, confond cheminement et apothéose.



Ce retour a l'inorganique ne devrait nous affecter d'aucune façon. Un phénomène aussi lamentable, pour ne pas dire risible, nous rend cependant poltrons. Il est temps de repenser la mort, d'imaginer une faillite moins quelconque.



Egaré ici-bas, comme je me serais égaré sans doute n'importe où.



La plante seule approche de la "sagesse" ; l'animal y est impropre. Quant à l'homme... La nature aurait du s'en tenir au végétal, au lieu de se disqualifier par goût de l'insolite.



Je n'ai pas rencontré un seul esprit dérangé qui ait été incurieux de Dieu. Doit-on en conclure qu'il existe un lien entre la quête de l'absolu et la désagrégation du cerveau ?



Stupéfiant manque de nécessité : la Vie, improvisation, fantaisie de la matière, chimie éphémère...



La grande, la seule originalité de l'amour est de rendre le bonheur indistinct du malheur.



Avoir frôlé toutes les formes de la déchéance, y compris la réussite.



Le regret de ne pas s'être fourvoyé, comme tous les autres, la rage d'avoir vu juste, telle est la misère secrète de plus d'un détrompé.



Sur une planète gangrenée, on devrait s'abstenir de faire des projets, mais on en fait toujours, l'optimisme étant, on le sait, un tic d'agonisant.



Jamais irréelle, la Douleur est un défi a la fiction universelle. Quelle chance elle a d'être la seule sensation pourvue d'un contenu, sinon d'un sens !



L'instant qui se dissocie de tous les autres, qui s'en libère et les trahit,- avec quelle joie nous saluons son infidélité !



Rien ne pourra m'ôter de l'esprit que ce monde est le fruit d'un dieu ténébreux dont je prolonge l'ombre, et qu'il m'appartient d'épuiser les conséquences de la malédiction suspendue sur lui et sur son oeuvre.

voir l'oeuvre correspondante



Chaque être est un hymne détruit.

voir l'oeuvre correspondante



Nous sommes tous au fond d'un enfer dont chaque instant est un miracle.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Colette

Ecrire ! verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite que parfois la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide... et retrouver, le lendemain, à la place du rameau d'or, miraculeusement éclos en une heure flamboyante, une ronce sèche, une fleur avortée?

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Dante

Per me si va ne la citta dolente
per me si va ne l'etterno dolore,
per me si va tra la perduta gente.
Giustizia mosse il mio alto fattore:
fecemi la divina podestate,
la somma sapienza e 'l primo amore.
Dinanzi a me non fuor cose create
se non etterne, e io etterno duro.
Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate
Par moi l'on va dans la cité dolente;
par moi l'on va dans l'éternelle douleur;
par moi l'on va parmi la gente perdue.
La Justice mut mon souverain Auteur :
Me firent la divine Puissance,
la suprême Sagesse et le premier Amour.
Avant moi ne furent créées nulles choses,
sauf les éternelles, et éternellement je dure.
Vous qui entrez, laissez toute espérance !

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

De Vinci

Vedrassi animali sopra la terra, i quali sempre combatteranno infra loro e con danni gravissimi e spesso morte di ciascuna delle parte. Questi non aran termine nelle loro malignità; per le fiere membra di questi verranno a terra gran parte delli alberi delle gran selve dell'universo; e poi ch'e saran pasciuti, il nutrimento de' lor desideri sarà di dar morte e affanno e fatiche e paure e fuga a qualunche cosa animata. E per la loro ismisurata superbia questi si vorranno levare inverso il cielo, ma la superchia gravezza delle lor membra gli terrà in basso. Nulla cosa resterà sopra la terra, o sotto la terra e l'acqua, che non sia perseguitata, remossa o guasta; e quella dell'un paese remossa nell'altro; e 'l corpo di questi si farà sepoltura e transito di tutti i già da lor morti corpi animati. O mondo, come non t'apri? e precipita nell'alte fessure de' tua gran balatri e spelonche, e non mostrare più al cielo sì crudele e dispietato monstro.
On verra sur terre des créatures se combattre sans trêve, avec très grandes pertes et morts fréquentes des deux côtés. Leur malice ne connaîtra point de bornes; dans les immenses forêts du monde, leurs membres sauvages abattront au niveau du sol, un nombre d'arbres considérable. Une fois repus de nourriture, ils voudront assouvir leur désir d'infliger la mort, l'affliction, le tourment, la terreur et le bannissement à toute chose vivante. A cause de leur superbe, ils voudront s'élever vers le ciel, mais le poids excessif de leurs membres les retiendra en bas. Rien ne subsistera sur terre ou sous terre ou dans les eaux, qui ne soit poursuivi ou molesté ou détruit et ce qui est dans un pays sera emporté dans un autre; et leurs propres corps deviendront la sépulture et le conduit de tous les corps vivants qu'ils auront tués. O Terre ! que tardes-tu à t'ouvrir et à les engouffrer dans les profondes crevasses de tes grands abîmes et de tes cavernes, et ne plus montrer à la face des cieux un monstre aussi sauvage et implacable ?

voir l'oeuvre correspondante



Quando io crederò imparare a vivere, e io imparerò a morire.
Alors que je croyais apprendre à vivre, j'apprenais à mourir.

voir l'oeuvre correspondante



Ogni danno lascia dispiacere nella ricordazione, salvo che 'l sommo danno, cioè la morte che uccide essa ricordazione insieme colla vita.
Tout mal laisse une tristesse dans la mémoire, hormis le mal suprême, la mort, qui détruit la mémoire en même temps que la vie.

voir l'oeuvre correspondante



Non si dimanda ricchezza quella che si può perdere. La virtù è vero nostro bene ed è vero premio del suo possessore: lei non si può perdere, lei non ci abbandona, se prima la vita non ci lascia. Le robe e le esterne devizie sempre le tieni con timore, ispesso lasciano con iscorno e sbeffato il loro possessore, perdendo lor possessione.
N'appelle point ces richesses qui peuvent se perdre; la vertu est notre richesse véritable, et la vraie récompense de qui la possède. Elle ne saurait être perdue; elle ne nous abandonnera qu'avec la vie. Pour la propriété et les biens matériels, tu dois toujours les redouter; souvent ils laissent leur possesseur dans l'ignominie, et vient-il à les perdre, il est moqué.

retour haut de page

Dostoïevski

Je reste persuadé que l'homme ne refusera jamais la souffrance véritable, c'est à dire la destruction et le chaos. Car la souffrance est la seule cause de la conscience.



Laissez-nous seuls, sans livres, et nous serons perdus, abandonnés, nous ne saurons pas à quoi nous accrocher, à quoi nous retenir; quoi aimer, quoi haïr, quoi respecter, quoi mépriser ? Même être des hommes, cela nous pèse - des hommes avec un corps réel, à nous, avec du sang; nous avons honte de cela, nous prenons cela pour une tache et nous cherchons à être des espèces d'hommes globaux fantasmatiques. Nous sommes tous morts-nés, et depuis bien longtemps, les pères qui nous engendrent, ils sont des morts eux-mêmes, et tout cela nous plaît de plus en plus. On y prend goût. Bientôt nous inventerons un moyen pour naître d'une idée.

retour haut de page

Eluard

Ne jetez aux démons que les anges

voir l'oeuvre correspondante



Le soleil ne luit pour personne



Une ombre est une ombre quand même

voir l'oeuvre correspondante



Avant le déluge, désarmez les cerveaux



Mourir quand il n'est plus temps



Vivre d'erreurs et de parfums



Un rêve sans étoiles est un rêve oublié

voir l'oeuvre correspondante



Mieux vaut mourir d'amour que d'aimer sans regrets



Faire deux heures d'une horloge

retour haut de page

Erasme

Car s'il a la faveur des Muses, quelle tâche, si ardue puisse-t-elle être, un homme n'oserait accomplir ?

retour haut de page

Ferré

Des armes , des chouettes, des brillantes
Des qu'il faut nettoyer souvent pour le plaisir
Et qu'il faut caresser comme pour le plaisir
L'autre, celui qui fait rêver les communiantes
Des armes bleues comme la terre
Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme
Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d'une femme
Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère
Des armes au secret des jours
Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture
Des qui vous font rêver très tard dans les lectures
Et qui mettent la poésie dans les discours
Des armes, des armes, des armes
Et des poètes de service à la gâchette
Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
Au bout d'un vers français brillant comme une larme

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Gautier

L'amour oublié se réveille,
Le passé vaguement renaît,
La fleur sur la bouche vermeille
Se respire et se reconnaît.

retour haut de page

Germain

On mord la nuit, on mâche un vent livide, on avale du rien.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Gide

La lampe baissait faute d'huile ; le feu se mourait tristement, et la vitre se lavait d'aube. Un peu d'espoir enfin des réserves du ciel semblait en grelottant descendre... Ah ! que vienne enfin jusqu'à nous un peu de céleste rosée et, dans cette chambre si close où si longtemps nous sommeillâmes, fût-ce à travers la vitre et pluviale, qu'une aube enfin paraisse, et qu'elle apporte jusqu'à nous, à travers l'ombre accumulée, un peu de blancheur naturelle...

voir l'oeuvre correspondante

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Gombrowicz

Ce mardi-là, je m'éveillai au moment sans âme et sans grâce où la nuit s'achève tandis que l'aube n'a pas encore pu naître. Réveillé en sursaut, je voulais filer en taxi à la gare, il me semblait que je devais partir, mais à la dernière minute je compris avec douleur qu'il n'y avait en gare aucun train pour moi, qu'aucune heure n'avait sonné. Je restai couché dans une lueur trouble, mon corps avait une peur insupportable et accablait mon esprit, et mon esprit accablait mon corps et chacune de mes fibres se contractait à la pensée qu'il ne se passerait rien, que rien ne changerait, rien n'arriverait jamais et, quel que soit le projet, il n'en sortirait rien de rien. C'était la crainte du néant, la panique devant le vide, l'inquiétude devant l'inexistence, le recul devant l'irréalité, un cri biologique de toutes mes cellules devant le déchirement, la dispersion, l'éparpillement intérieurs. Peur d'une médiocrité, d'une petitesse honteuses, terreur de la dissolution et de la fragmentation, frayeur devant la violence que je sentais en moi et qui menaçait dehors et le plus grave était que je sentais sur moi, collée à moi, sans cesse, comme la conscience d'une dérision, d'une raillerie, liées à toutes mes particules, d'une moquerie intime lancée par tous les fragments de mon corps et de mon esprit.



Oui, certes, il existe une violence permanente dans le monde de l'esprit : nous ne sommes pas autonomes, nous sommes seulement fonction d'autrui, nous devons être tels que les autres nous voient...



Secouer doucement, tout doucement la poussière de ses chaussures et s'éloigner sans rien laisser derrière soi, non, pas s'éloigner ni s'en aller, aller tout simplement... S'éloigner en allant tout droit, aller tout droit en s'éloignant et perdre jusqu'au souvenir. Bienheureuse indifférence ! Bienheureux oubli ! Tout meurt en vous et nul n'a encore eu le temps de vous recréer. Oh il vaut la peine de vivre pour la mort, pour sentir que tout est mort en soi, qu'on existe plus, que c'est désert et muet, pur et vide !

retour haut de page

Gracq

Je l'aimais en absence, sans souhaiter qu'elle me devînt plus proche, et comme si sa main pensive et immatérielle n'eut été faite que pour ordonner dans un lointain indéfiniment approfondi la perspective de mes songes.



Quelque chose comme une alerte lointaine se glisse jusqu'à nous dans ce vide clair du matin plus rempli de présages que les songes; c'est peut-être le bruit d'un pas isolé sur le pavé des rues, ou le premier cri d'un oiseau parvenu faiblement à travers le dernier sommeil; mais ce bruit de pas éveille dans l'âme une résonance de cathédrale vide, ce cri passe comme sur les espaces du large, et l'oreille se tend dans le silence sur un vide en nous qui soudain n'a pas plus d'écho que la mer. Notre âme s'est purgée de ses rumeurs et du brouhaha de foule qui l'habite; une note fondamentale se réjouit en elle qui en éveille l'exacte capacité.

voir l'oeuvre correspondante

voir l'oeuvre correspondante



Déjà de cette naissance pressentie la terre est grosse, et pourtant, ce qu'elle a choisi pour s'y cacher, c'est la nuit du trouble conseil et des mauvais présages, et ce qui marche devant elle et l'annonce comme la poussière au-devant d'une armée, c'est une rumeur sinistre, le sang répandu, et les présages mêmes de la destruction et de la mort.



O puissions-nous ne pas refuser nos yeux à l'étoile qui brille dans la nuit profonde et comprendre que du fond même de l'angoisse, plus forte que l'angoisse s'élève dans le ténébreux passage la voix inextinguible du désir.

voir l'oeuvre correspondante

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Guillevic

Le ciel
N'est pas toujours chez lui

voir l'oeuvre correspondante



Méfiez-vous
Les apparences
Peuvent être vraies

voir l'oeuvre correspondante



Toutes ces ronces
Privées d'ennemis

voir l'oeuvre correspondante



Le soleil est là
Et toi tu crois
Que tu monologues

voir l'oeuvre correspondante



La lune
Soit
Qu'elle apparaisse
Pour être éconduite



Laisse l'horloge
Dormir son ronron
D'artisanale
Eternité

voir l'oeuvre correspondante



Les nuages
Ont du respect
Pour l'étendue

voir l'oeuvre correspondante



Il y a des feuilles
Plus tatciturnes



Le rôle de sentinelle
Est confié aux arbres



Qu'en pense le ciel ?
Et je ne parle pas
De ces dieux que j'ignore
Et veux ignorer
Je parle de l'azur
De l'éther, des nuages
De cet abîme
Qui tout à fait m'échappe

voir l'oeuvre correspondante



Ici le temps
se croit innocent

voir l'oeuvre correspondante



J'entends pourtant
J'entends toujours
Le rossignol

voir l'oeuvre correspondante



Obliquement la lune
De la haut conjuguait
On ne sait pas trop quoi
D'inutilement froid

voir l'oeuvre correspondante



Je pars du principe
Que le verso est plus intime
Que le recto

voir l'oeuvre correspondante



Il fait beau
Il y a dans l'air de ce matin
Comme une liberté
On n'est pas obligé d'être heureux
Mais on peut

voir l'oeuvre correspondante



Mais la nuit
A plus de talent

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Hesse

Aucun chemin ne permet de revenir en arrière, d'être de nouveau loup ou enfant. Au commencement, il n'y avait ni innocence ni ingénuité. Tout ce qui fait partie de la Création, même l'être le plus simple, porte en son sein la culpabilité, la multiplicité ; se trouve plongé dans le flot impur du devenir et ne peut jamais, jamais remonter le courant. Pour retrouver l'innocence, le stade précédant la Création, Dieu, il ne faut pas revenir en arrière mais aller de l'avant ; il ne faut pas redevenir loup ou enfant, mais s'enfoncer toujours plus loin dans la faute, toujours plus profond dans la métamorphose par laquelle l'homme devient un être humain.



Vivons-nous donc, nous les hommes, pour faire disparaître la mort ? Non, nous vivons pour la craindre puis pour l'aimer à nouveau. C'est précisément grâce à elle que notre courte existence devient parfois, l'espace d'une heure, merveilleusement incandescente.



Ce que nous voyons, c'est ce qui se trouve en nous. Il n'est point de réalité hors de celle que nous avons en nous. La plupart des hommes ne vivent d'une façon aussi irréelle que parce qu'ils prennent des images extérieures pour la réalité et ne permettent jamais à leur propre monde intérieur de s'exprimer. Sans doute, on peut être heureux ainsi, mais lorsqu'on a appris autre chose, on n'a plus le choix de prendre le chemin de la foule. Le chemin de la foule est facile, le nôtre est difficile.



Souvent je m'étais plu à jouer avec les images de l'avenir. Souvent j'avais rêvé de rôles qui devaient m'être assignés, comme poète peut-être, ou comme prophète, ou comme peintre. Tout cela était vain ! Pas plus qu'un autre, je n'étais ici-bas pour composer des poèmes ou pour prêcher, ou pour peindre. Tout cela était accessoire. La vraie mission de chaque homme était celle-ci : parvenir à soi-même. Qu'il finisse poète ou fou, prophète ou malfaiteur, ce n'était pas son affaire ; oui, c'était en fin de compte dérisoire ; l'important c'était de trouver sa propre destinée, non une destinée quelconque, et de la vivre entièrement. Tout le reste était demi-mesure, échappatoire, fuite dans le prototype de la masse et peur de son propre moi.

retour haut de page

Horace

Felices ter et amplius
Quos inrupta tenet copula nec malis
Divolsus querimoniis
Suprema citius soluet amor die
Heureux trois fois et davantage ceux qu'unit un indissoluble lien, ceux que l'amour, sans que viennent le rompre les querelles mauvaises, ne détachera point avant leur dernier jour.

voir l'oeuvre correspondante



Carpe diem, quam minimum credula prospero
Cueille le jour, sans te fier le moins du monde au lendemain

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Huxley

L'Art n'est pas la découverte de la Réalité, quoi que puisse être la Réalité, ce que tout être humain ignore. Il est l'organisation d'un chaos apparent en un univers ordonné et humain.



Voyager, c'est découvrir que tout le monde a tort. Les philosophies, les religions qui, de loin, vous semblent bien supérieures à la vôtre, vues de près, sont toutes, à leur façon, aussi désespérément imparfaites.

retour haut de page

Jaccard

Dans l'oeuvre d'art, le néant même devient vivant. L'art ne dissèque la tristesse que pour ouvrir notre coeur et le ranimer.

retour haut de page

Jarry

Dieu est le point tangent de zéro et de l'infini

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Jourde

J'aimerais revenir en arrière, je ne peux pas. Je sens partout la douleur des choses enfermées en elles-mêmes, se desséchant sous la lumière. Je voudrais devenir assez légère pour les traverser, me mêler à elles, retrouver, dans leur profondeur, la source de l'ombre, sa fraîcheur. Assez légère pour n'offrir aucun poids aux heures.



Que les qualités de ce qu'on aime nourrissent en secret des chagrins, on l'ignore presque toujours. On ne veut pas le voir. On le pressent cependant, dans la crainte qui s'attache aux choses vraiment belles,on tourne autour, on se garde d'ouvrir la porte, sachant ce qui se tient derrière, avec sa face atroce. Vivre n'est possible que si la porte demeure fermée.



D'abord, seule ma conscience est là. Il fait noir. J'écoute, aucun son ne me parvient, de sorte que dans ce défaut de sensations, mon esprit cotonneux confond le noir et le silence. J'ignore à quelle époque de ma vie je me trouve, dans quel lieu. Je ne découvre rien dans ma mémoire pour remplir cette lacune que je suis. Mon corps engourdi ne me livre guère d'informations, il se confond avec ce qui le supporte et l'entoure, il se recueille en lui-même. Je ne sais plus en quoi il consiste. Aucune angoisse pourtant, au contraire. Je repose au fond d'une paix inépuisable. Il y a de la conscience, sans rien d'autre. Sans propriétaire et sans contenu. De l'esprit flottant dans l'absence, paresseusement mesurant l'étendue bienheureuse et sans forme de l'absence.
En même temps cette absence ressemble à une imminence, et l'imminence à un souvenir. Cela tourne tranquillement en rond, à vide. Le vide de ce qui va venir est le même que ce qui a toujours été, il fait partie du bonheur de cet état étrange, éveil sans fin au sein d'une inépuisable somnolence.
Mais la fin est en germe dans cette perfection. Cela ressemble au mystère de la création du monde, et c'en est peut-être, pour la conscence qui expérimente ces états-limite, comme la trace ou la répétition. Quelque chose doit advenir, qui sera le souvenir, et avec le souvenir la mémoire des injonctions, des devoirs, des obligations, des chagrins.

retour haut de page

Kierkegaard

Quoi d'étonnant alors que dans une désespérance sans fond j'ai saisi uniquement le côté intelligent de l'homme, que je m'y sois accroché avec force et qu'ainsi la pensée de ma richesse intellectuelle ait été ma seule consolation, les idées ma seule joie et les hommes mon indifférence.



Toute vie esthétique est désespoir.



Mon âme est si lourde que nulle pensée ne peut la porter, que nul essor ne peut l'élever dans l'éther.
Se meut-elle, elle ne fait alors que raser la terre comme l'oiseau volant bas au vent précurseur de l'orage.
Je sens en mon for intérieur une oppression, une angoisse qui présage un tremblement de terre.



Misérable destin! En vain fardes-tu ton visage ridé, comme une vieille prostituée en vain fais-tu sonner tes grelots de bouffon ;
tu m'ennuies, c'est toujours la même chose, un idem per idem. Aucune variation, toujours du réchauffé.
Venez, sommeil et mort; vous ne promettez rien, vous tenez tout.



J'emploie ainsi mon temps : une moitié à dormir et l'autre à rêver. Quand je dors, je ne rêve jamais, ce serait dommage; dormir, c'est le comble du génie.

retour haut de page

La Rochefoucauld

N'étaient le mouvement et le chatoiement de l'âme, l'homme deviendrait immobile dans sa passion suprême, la paresse.

retour haut de page

Le Bon

Par le seul fait qu'il fait partie d'une foule, l'homme descend donc plusieurs degrés sur l'échelle de la civilisation. Isolé, c'était peut-être un individu cultivé, en foule c'est un instinctif, par conséquent un barbare. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. Il s'en rapproche encore par sa facilité à se laisser impressionner par des mots, des images, et conduire à des actes lésant ses intérêts les plus évidents. L'individu en foule est un grain de sable au milieu d'autres grains de sable que le vent soulève à son gré.

retour haut de page

Mann

L'horizon était parfaitement net. Alentour, sous la coupe grise du ciel, rien que la mer immense et déserte. Mais dans le vide, dans l'espace indivisé, nous perdons aussi la notion de durée et notre esprit se noie dans la démesure.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Martial

Nullos esse deos, inane caelum
Il n'y a pas de dieux, le ciel est vide

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Nabokov

A quel point pourtant la mort me répugne ! Mon âme reste enfouie au creux de l'oreiller. Ah ! elle ne veut pas ! Quel froid quand il lui faudra s'extraire de la chaude enveloppe de ce corps ! Elle ne veut pas, patience, souffrez qu'elle sommeille encore un peu?



Je suis environné de je ne sais quels fantômes, et non pas d'êtres humains. Ils me supplicient, comme seuls s'y entendent des visions ineptes - mauvais rêves, lambeaux de délire, lie de cauchemars - et tout ce qui, chez nous, passe pour être la vie. Théoriquement, je voudrais me réveiller, mais je ne le puis sans une aide extérieure ; or, cette aide m'inspire une peur insensée, et d'ailleurs mon âme incline à la paresse, habituée qu'elle est à ses langes corporels.



Je vois ceci maintenant dans tes yeux : une nuit pluvieuse ; une rue étroite ; des réverbères qui s'estompent tout le long. L'eau coule dans les conduites depuis les toits escarpés. Sous la gueule de serpent de chaque conduite, il y a un seau enserré dans un collier vert. Il y a des rangées de seaux de part et d'autre, le long des murs noirs. Je les regarde se remplir de mercure froid. Le mercure de pluie, une fois gonflé, déborde. Au loin voguent des réverbères tête nue. Leurs rayons se hérissent dans le crachin. L'eau regorge dans les seaux.
Ainsi, j'entre dans tes yeux d'intempérie, dans la venelle d'un éclat noir où bruit et murmure la pluie nocturne. Souris ! Pourquoi me regardes-tu si douloureusement et si sombrement ? Le matin. Toute la nuit les étoiles ont crié de leurs voix enfantines et quelqu'un sur le toit a déchiré et caressé un violon de son archet acéré. Regarde ! Le soleil est passé lentement sur le mur comme une voile de feu. Tu es tout enfumée. Dans tes yeux la poussière s'est mise à tournoyer : des millions de mondes dorés. Tu as souri !

voir l'oeuvre correspondante



Je sentis alors la tendresse du monde, la profonde bonté de tout ce qui m'entourait, le lien voluptueux entre moi et tout ce qui existe, et je compris que la joie que je cherchais en toi n'était pas seulement celée en toi, mais flottait partout autour de moi, dans les bruits fugitifs qui s'envolaient dans le rue, dans le bas de la jupe drôlement relevé, dans le grondement métallique et tendre du vent, dans les nuages d'automne débordant de pluie. Je compris que le monde n'était pas du tout une lutte, n'était pas des successions de hasards rapaces, mais une joie papillotante, une émotion de félicité, un cadeau que nous n'apprécions pas.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Nietzsche

Man muss noch Chaos in sich haben, um einen tanzenden Stern gebären zu können.
Je vous le dis, pour engendrer une étoile qui danse, il faut en soi-même encore avoir quelque chaos.

voir l'oeuvre correspondante

voir l'oeuvre correspondante



Plus haut encore que l'amour des hommes est l'amour des choses et des spectres.



J'aime celui qui est d'un libre esprit et d'un coeur libre : sa tête ainsi n'est que l'entraille de son coeur, mais au déclin son coeur le pousse.



Dieser Baum steht einsam hier am Gebirge ; er wuchs hoch hinweg über Mensch und Thier. Und wenn er reden wollte, er würde Niemanden haben, der ihn verstünde : so hoch wuchs er. Nun wartet er und wartet, - worauf wartet er doch ? Er wohnt dem Sitze der Wolken zu nahe : er wartet wohl auf den ersten Blitz ?
Cet arbre ici se dressa solitaire sur la montagne ; bien haut il crut par dessus homme et bête. Et voudrait-il parler, n'aurait personne pour l'entendre - si haut il crut ! Désormais il attend et attend, - mais qu'attend-il ? Du siège des nuées trop proche est sa demeure ; ce qu'il attend, est-ce le premier éclair ?

voir l'oeuvre correspondante



Voici les effrayants, ceux qui en eux portent la bête de proie, et n'ont d'autres choix que plaisirs ou mortifications. Et même encore leurs plaisirs sont mortifications.



Und hüte Dich vor den Guten und Gerechten. Sie kreuzigen gerne Die welche sich ihre eigne Tugend erfinden, sie hassen den Einsamen.
Garde-toi des gens de biens et des justes. Ils aiment crucifier ceux qui s'inventent leur propre vertu, ils haïssent le solitaire.

voir l'oeuvre correspondante



Es ist immer etwas Wahnsinn in der Liebe. Es ist aber immer auch etwas Vernunft im Wahnsinn.
Il y a toujours un peu de folie dans l'amour. Mais il y a toujours un peu de raison dans la folie.

voir l'oeuvre correspondante



Einsamer, du gehst den Weg zu dir selber! Und an dir selber fuhrt dein Weg vorbei und an deinen sieben Teufeln! Ketzer wirst du dir selber sein und Hexe und Wahrsager und Narr und Zweifler und Unheiliger und Bösewicht. Verbrennen musst du dich wollen in deiner eignen Flamme: wie wolltest du neu werden, wenn du nicht erst Asche geworden bist! Einsamer, du gehst den Weg des Schaffenden: einen Gott willst du dir schaffen aus deinen sieben Teufeln! Einsamer, du gehst den Weg des Liebenden: dich selbst liebst du und desshalb verachtest du dich, wie nur Liebende verachten. Schaffen will der Liebende, weil er verachtet! Was weiss Der von Liebe, der nicht gerade verachten musste, was er liebte! Mit deiner Liebe gehe in deine Vereinsamung und mit deinem Schaffen, mein Bruder; und spät erst wird die Gerechtigkeit dir nachhinken. Mit meinen Thränen gehe in deine Vereinsamung, mein Bruder. Ich liebe Den, der über sich selber hinaus schaffen will und so zu Grunde geht.
Solitaire tu suis la voie qui a toi-même te conduit. Et c'est toi-même sur ce chemin que tu vois défiler, toi-même et tes sept diables ! Hérétique a toi-même seras, et sorcier et devin et bouffon et douleur et sacrilège et scélérat. A ta propre flamme nécessairement tu voudras brûler; comment te voudrais-tu faire neuf si tout d'abord ne t'es fait cendre ? Solitaire tu suis la voie du créateur; a partir de tes sept diables tu veux créer un dieu. Solitaire tu suis la voie de ceux qui aiment; a toi-même va ton amour et de la sorte te méprises comme seuls méprisent ceux qui aiment. Avec ton amour va dans ta solitude, ô mon frère, et avec ton acte créateur; plus tard seulement, d'un pas boiteux, la justice te rejoindra. Avec mes larmes va dans ta solitude, ô mon frère. J'aime celui qui au-dessus et au-delà de lui-même veut créer et, de la sorte, court a sa perte.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Nothomb

J'ai toujours su que l'âge adulte ne comptait pas : dès la puberté, l'existence n'est plus qu'un épilogue.

retour haut de page

NOVALIS

Muss immer der Morgen wiederkommen? Endet nie des Irdischen Gewalt? Unselige Geschäftigkeit verzehrt den himmlischen Anflug der Nacht. Wird nie der Liebe geheimes Opfer ewig brennen? Zugemessen ward dem Lichte seine Zeit; aber zeitlos und raumlos ist der Nacht Herrschaft. - Ewig ist die Dauer des Schlafs. Heiliger Schlaf - beglücke zu selten nicht der Nacht Geweihte in diesem irdischen Tagewerk. Nur die Toren verkennen dich und wissen von keinem Schlafe, als dem Schatten, den du in jener Dämmerung der wahrhaften Nacht mitleidig auf uns wirfst. Sie fühlen dich nicht in der goldnen Flut der Trauben - in des Mandelbaums Wunderöl und dem braunen Safte des Mohns. Sie wissen nicht, dass du es bist, der des zarten Mädchens Busen umschwebt und zum Himmel den Schoss macht - ahnden nicht, dass aus alten Geschichten du himmelöffnend entgegentrittst und den Schlüssel trägst zu den Wohnungen der Seligen, unendlicher Geheimnisse schweigender Bote.
Einst da ich bittre Tränen vergoss, da in Schmerz aufgelöst meine Hoffnung zerrann, und ich einsam stand am dürren Hügel, der in engen, dunkeln Raum die Gestalt meines Lebens barg - einsam, wie noch kein Einsamer war, von unsäglicher Angst getrieben - kraftlos, nur ein Gedanken des Elends noch. - Wie ich da nach Hülfe umherschaute, vorwärts nicht konnte und rückwärts nicht, und am fliehenden, verlöschten Leben mit unendlicher Sehnsucht hing: - da kam aus blauen Fernen - von den Höhen meiner alten Seligkeit ein Dämmerungsschauer - und mit einem Male riss das Band der Geburt - des Lichtes Fessel. Hin floh die irdische Herrlichkeit und meine Trauer mit ihr - zusammen floss die Wehmut in eine neue, unergründliche Welt - du Nachtbegeisterung, Schlummer des Himmels kamst über mich - die Gegend hob sich sacht empor; über der Gegend schwebte mein entbundner, neugeborner Geist. Zur Staubwolke wurde der Hügel - durch die Wolke sah ich die verklärten Züge der Geliebten. In ihren Augen ruhte die Ewigkeit - ich fasste ihre Hände, und die Tränen wurden ein funkelndes, unzerreissliches Band. Jahrtausende zogen abwärts in die Ferne, wie Ungewitter. An ihrem Halse weint ich dem neuen Leben entzückende Tränen. - Es war der erste, einzige Traum - und erst seitdem fühl ich ewigen, unwandelbaren Glauben an den Himmel der Nacht und sein Licht, die Geliebte.
Le matin doit-il toujours revenir ? La puissance du Terrestre ne prend-elle jamais fin ? Une malheureuse turbulence dévore l'intuition céleste de la Nuit. L'intime sacrifice de l'Amour ne brûlera-t-il jamais éternellement ? Son temps a été mesuré, à la Lumière ; mais sans espace ni temps est le règne de la Nuit. - Éternelle est la durée du Sommeil. Sommeil sacré - ne comble pas trop rarement ceux qui sont voués à la Nuit en ce terrestre labeur quotidien. Seuls les fous te méconnaissent et ne savent d'aucun sommeil que l'ombre, que, compatissant, tu jettes sur nous dans ce crépuscule de la vraie Nuit. Ils ne te sentent pas dans le flot doré des grappes, - dans l'huile merveilleuse de l'amandier et le suc brun du pavot. Ils ne savent pas que c?est toi qui voltiges près de la gorge de la tendre vierge et fais de ce sein le paradis - ils ne pressentent pas qu'issu des anciennes légendes tu viens vers nous en ouvrant le ciel et que tu portes la clef pour les demeures des bienheureux, muet messager de mystères infinis.
Un jour que je laissais couler des larmes amères, que mon espérance, décomposée, s'anéantissait en douleur et que je me tenais solitaire près du tertre aride qui dérobait en son étroite et sombre dimension la Figure de ma vie - solitaire comme nul solitaire encore ne le fut, étreint par une angoisse indicible - sans force, n'étant plus qu'une pensée de détresse. - Comme je cherchais une aide des yeux, que je ne pouvais ni avancer ni reculer, et que je m'agrippais avec un regret infini à la vie fuyante qui s'éteignait : - alors m'arriva des lointains bleutés - des hauteurs de mon bonheur passé, un frisson crépusculaire - et d'un seul coup se rompit le lien, le cordon natal - la chaîne de la Lumière. Disparut la splendeur terrestre et mon deuil avec elle - la nostalgie s'épancha en un monde nouveau, insondable - toi, ferveur de la Nuit, sommeil céleste, tu vins sur moi - le paysage s'éleva doucement dans les airs ; au-dessus du paysage planait mon esprit libéré, renaissant. Le tertre devint nuage de poussière - à travers le nuage je vis les traits radieux de la Bien-Aimée. Dans ses yeux reposait l'Éternité - je lui pris les mains et nos larmes devinrent un lien étincelant, indestructible. Des millénaires disparurent dans les lointains comme des orages. À son cou, je pleurai sur la vie nouvelle des larmes enthousiastes. - Ce fut le premier, l'unique rêve - et c'est alors que je vouai une foi éternelle, immuable au ciel de la Nuit et à sa lumière, la Bien-Aimée.

voir l'oeuvre correspondante



Man ist allein mit allem was man liebt
On est seul avec tout ce que l'on aime

voir l'oeuvre correspondante



Das grösste Gut besteht in der Einbildungskraft
Le plus grand bien réside dans l'imagination

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Onfray

Où est allé le foetus de cet enfant mort, avorté, parce que conçu dans la ferveur d'innocences et de naïvetés confondues, d'inconscient et de parts maudites mélangés ?

retour haut de page

Pélevine

Vos rêves, c'est vous-même, et si vous souhaitez quelque chose d'extérieur, c'est uniquement parce que vous ne comprenez pas qu'il n'y a aucun extérieur sauf à l'intérieur, et que l'intérieur n'existe jamais nulle part. Souvent le cauchemar qui vous entoure vous apparaît à ce point sans issue que vous vous dites : il n'y pas de bonheur dans la vie... Peut-être bien qu'il n'y en a pas. Mais si vous savez que c'est précisément dans la vie qu'il n'y en a pas, cela veut dire que le bonheur existe quelque part ailleurs. Et si vous savez qu'il existe, c'est qu'il est déjà présent en vous-même. C'est cela, le paradis.

voir l'oeuvre correspondante



Il existe une ration de bonheur fixée pour la vie de chaque homme et, quels que soient les événements, il est impossible de la réduire. On ne peut parler du bien et du mal qu'à la condition de savoir au moins par qui et pour quoi l'homme a été créé.



... au fond, le bonheur n'existe pas. Seule existe la conscience du bonheur. En d'autres termes, il n'y a que la conscience... Rien n'existe - et nous non plus - en dehors de la sphère de la conscience. Alors pourquoi, me dis-je encore et encore, n'allons nous pas vers le bonheur infini et ineffable, en abandonnant tout le reste ? Il est vrai qu'il faudrait aussi s'abandonner soi-même. Mais qui abandonnera ? Et qui sera alors heureux ? Et qui est malheureux maintenant ?

retour haut de page

Pétrone

Eheu nos miseros, quam totus homuncio nil est !
Sic erimus cuncti, postquam nos auferet Orcus.
Ergo uiuamas, dum licet esse bene.
Pauvres humains chétifs, nous ne sommes qu'un rien.
Orcus prendra nos os comme il a pris les siens,
Tant qu'il se peut vivons donc, vivons bien !



Somnia, quae mentes ludunt uolitantibus umbris,
non delubra deum nec ab aethere numina mittunt
sed sibi quisque facit. Nam cum prostrata sopore
urget membra quies et mens sine pondere ludit,
quicquid luce fuit, tenebris agit...
In noctis spatium miserorum uulnera durant
Ces songes volatils, impalpables chimères,
Nul dieu ne les envoie des cieux ni de la terre.
Nous-mêmes les créons. Quand notre corps torpide
Pesamment s'assoupit, notre esprit joue à vide
Et la journée vécue peuple sa nuit d'images...
La nuit ne fait pas trêve aux blessures du jour.

voir l'oeuvre correspondante



Qualis nox fuit illa, di deaeque,
quam mollis torus ! Haesimus calentes
et transfudimus hinc et hinc labellis
errantes animas. Valete, curae
mortales. Ego sic perire coepi.
Dieux et déesses, quelle nuit !
Qu'il était doux ce lit ! Entrelacés, en fièvre,
Nous exhalions et buvions sur nos lèvres
Nos âmes en délire. Adieu, soucis enfuis
Des humains. C'est ainsi que j'ai pensé périr.



Nocte soporifera ueluti cum somnia ludunt
erantes oculos effossaque protulit aurum
in lucem tellus : uersat manus improba furtum
thesaurosque rapit, sudor quoque perluit ora
et mentem timor altus habet, ne forte grauatum
excutiat gremium secreti conscius auri :
mox ubi fugerunt elusam gaudia mentem
ueraque forma redit, animus, quod perdidit, optat
atque in praeterita se totus imagine uersat.
Ainsi nos rêves jouent quand la nuit nous endort
Et abusent nos yeux. Sous la terre un trésor
Est là caché. On creuse, on palpe, on vole l'or
D'une main criminelle, et le front en sueur
On grelotte de peur au tréfonds de son coeur
D'avoir été suivi par quelque détrousseur.
Puis l'âme se réveillé, et tristement rendue
Au réel trop banal pleure sa joie indue,
Obsédée du regret de l'illusion perdue.

voir l'oeuvre correspondante



Sol omnibus lucet. Luna innumerabilibus comitata sideribus etiam feras ducit ad pabulum. Quid aquis diciformosius potest ? In publico tamen manant. Solus ergo amor furtum potius quam praemium erit ?
Le soleil brille pour tout le monde, la lune et son cortège d'étoiles sans nombre guident vers leur nourriture même les bêtes féroces, et peut-on trouver plus de beauté qu'aux eaux jaillissantes, où chacun pourtant puise à sa guise ? Faudrait-il que l'amour seul se fît furtif au lieu que glorieux ?

voir l'oeuvre correspondante



Non multum oportet consilio credere, quia suam habet fortuna rationem.
Il ne faut se fier point trop à ses projets, car le hasard a ses raisons.

retour haut de page

Pascal

Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans l'éternité précédente et suivante, le petit espace que je remplis, et même que je vois, abîmé dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore et qui m'ignorent, je m'effraie et m'étonne de me voir ici plutôt que là, car il n'y a point de raison pourquoi ici plutôt que là pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m'y a mis ? Par l'ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi ?

voir l'oeuvre correspondante



Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie



Que conclurons-nous de toutes nos obscurités, sinon notre indignité ?

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Phèdre

Vulpis et corvus.

Qui se laudari gaudet verbis subdolis,
Fere dat poenas turpes poenitentia.
Cum de fenestra corvus raptum caseum
Comesse vellet, celsa residens arbore,
Vulpes hunc vidit, deinde sic coepit loqui:
«O qui tuarum, corve, pennarum est nitor!
Quantum decoris corpore et vultu geris!
Si vocem haberes, nulla prior ales foret».
At ille stultus, dum vult vocem ostendere,
Emisit ore caseum, quem celeriter
Dolosa vulpes avidis rapuit dentibus.
Tunc demum ingemuit corvi deceptus stupor.
Hac re probatur quantum ingenium valet;
Virtute semper praevalet sapientia.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Pope

With too much knowledge for the Sceptic side,
With too much weakness for the Stoic's pride,
He hangs between, in doubt to act or rest;
In doubt to deem himself a God or Beast;
In doubt his mind or body to prefer;
Born but to die, and reas'ning but to err;
Avec trop de savoir pour demeurer sceptique
Avec trop de faiblesses pour la fierté stoïque
Il balance toujours entre calme et action
Est-il ange, est-il bête, il ne sait décider
Son corps ou sa raison, que doit-il préférer
Né qu'il est pour mourir, trompé par sa raison

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Pratchett

The universe had a definite tendency towards awareness. This suggested a certain subtle cruelty woven into the very fabric of space-time.
L'univers manifestait une forte tendance à la conscience. Ce qui suggérait une certaine cruauté subtile en filigrane dans le tissu même de l'espace-temps.

retour haut de page

Quignard

Malheur à celui qui a connu l'invisible et les lettres, les ombres des anciens, le silence, la vie secrète, le règne inutile des arts inutiles, l'individualité et l'amour, le temps et les plaisirs, la nature et la joie, qui ne sont rien de ce qui s'échange et qui constituent la part obscure de la marchandise.

voir l'oeuvre correspondante



L'âme qui dort est un spectateur qui regarde une représentation involontaire.
L'esprit de celui qui dormait, lors du réveil, ouvrant les paupières, découvre un miroir vide. Il n'y a pas de dieux. La croyance est un rêve de mammifère.



Nous avons hérité de formes de hasard que nous avons perpétuées sous forme de traditions. Mais ces traditions sont des hasards comme ces formes l'étaient. Civilisation âgée : nous sommes modelés de modèles qui modelaient le vide. Mais en ce sens nous demeurons modelés par le vide. Le vide est sans profondeur, inacculturable, ananthropoïde. Et le miroir que nos lettres et nos livres tendent, si loin qu'ils soient de leurs origines hasardeuses, restitue encore au hasard en croyant l'organiser et par la recherche de leur ordre met en relief le chaos. ΧΑΟΣ, chaos, ce mot grec signifie l'ouverture des lèvres. C'est l'abîme. Ce miroir reflète une même terreur ancienne figeant dans le silence une même guerre sombre - une sorte de curée - l'absence aussi, outre cela le temps, mais d'abord la mort.

voir l'oeuvre correspondante



Garde le secret enfoui en toi dans le silence. Ne nomme jamais les bras qui t'étreignent.



La solitude, si elle étrangle de souffrance le solitaire, est une pierre précieuse qu'aucun trésor n'est capable d'acheter. Et elle voisine le silence comme l'obscurité.



Dieu apparaît toujours dans les brises légères, dans les étoiles quand elles sont indistinctes dans le jour, dans les fantômes des songes pour peu qu?on n?en ait pas gardé le souvenir.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Rilke

Herbst

Die Blätter fallen, fallen wie von weit,
als welkten in den Himmeln ferne Gärten;
sie fallen mit verneinender Gebärde.

Und in den Nächten fällt die schwere Erde
aus allen Sternen in die Einsamkeit.

Wir alle fallen. Diese Hand da fällt.
Und sieh dir andre an: es ist in allen.

Und doch ist Einer, welcher dieses Fallen
unendlich sanft in seinen Händen hält.
Automne

Les feuilles tombent, tombent comme des lointains,
comme si aux cieux dans des jardins éloignés, tout flétrissait;
elles tombent en gestes de refus.

Et dans les nuits la lourde terre tombe
depuis toutes les étoiles dans la solitude

Nous tous nous tombons. Cette main là tombe
et vois les autres aussi : cela est en elles toutes.

Et pourtant il est quelqu'un, qui retient toute cette chute
dans ses mains avec une douceur infinie.

voir l'oeuvre correspondante



Wer, wenn ich schriee, horte mich denn aus der Engel Ordnungen ? und gesetzt selbst, es nahme einer mich plotzlich ans Herz : ich verginge von seinem sta'rkeren Dasein. Denn das Schone ist nichts als des Schrecklichen Anfang, den wir noch grade ertragen, und wir bewundern es so, weil es gelassen verschmaht, uns zu zerstoren. Ein jeder Engel ist schrecklich. Und so verhalt ich mich denn und verschlucke den Lockruf dunkelen Schluchzens. Ach, wen vermogen wir denn zu brauchen ? Engel nicht, Menschen nicht, und die findigen Tiere merken es schon, daft wir nicht sehr verlaftlich zu Haus sind in der gedeuteten Welt. Es bleibt uns vielleicht irgend ein Baum an dem Abhang, daft wir ihn taglich wiedersahen; es bleibt uns die Strafte von gestern und das verzogene Treusein einer Gewohnheit, der es bei uns gefiel, und so blieb sie und ging nicht. O und die Nacht, die Nacht, wenn der Wind voller Weltraum uns am Angesicht zehrt, wem bliebe sie nicht, die ersehnte, sanft enttauschende, welche dem einzelnen Herzen muhsarm bevorsteht. Ist sie den Liebenden leichter ? Ach, sie verdecken sich nur mit einander ihr Los. Weiftt du's noch nicht? Wirf aus den Armen die Leere zu den Raumen hinzu, die wir atmen; vielleicht daft die Vogel die erweiterte Luft fuhlen mit innigerm Flug.
Qui donc, si je criais, parmi les cohortes des anges m'entendrait ? Et l'un d'eux quand même dut-il me prendre soudain sur son coeur, ne m'évanouirais-je pas sous son existence trop forte ? Car le beau n'est que ce degré du terrible qu'encore nous supportons et nous ne l'admirons tant que parce que, impassible, il dédaigne de nous détruire. Tout ange est terrible. Et je me contiens donc et refoule l'appeau de mon sanglot obscur. Hélas ! Qui pourrait nous aider ? Ni anges ni hommes,
et le flair des bêtes les avertit bientôt que nous ne sommes pas très assurés en ce monde défini. Il nous reste peut-être un arbre, quelque part sur la pente, que tous les jours nous puissions revoir ; il nous reste la rue d'hier et l'attachement douillet a quelque habitude du monde qui se plaisait chez nous et qui demeura. Oh! et la nuit, la nuit, quand le vent plein des espaces nous ronge la face, a qui ne resterait-elle, tant désirée, tendrement décevante, épreuve pour le coeur solitaire ? Aux amants serait-elle plus légère ? Hélas ! ils ne se cachent que l'un a l'autre leur sort. Ne le savais-tu pas ? Hors de tes bras lance le vide vers les espaces que nous respirons ; peut-être les oiseaux sentiront-ils l'air élargi d'un vol plus ému.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Sénèque

Quand on ne nourrit plus aucun espoir, on ne doit désespérer de rien.



Ne repugnate vestro bono et hanc spem, dum ad verum pervenitis, alite in animis libentesque meliora excipite et opinione ac voto iuvate: esse aliquid invictum, esse aliquem in quem nihil fortuna possit, e re publica est generis humani est.
Ne résistez pas au bien qui est vôtre et nourrissez-en l'espérance dans vos âmes jusqu'à ce que vous soyez parvenus à la vérité; ayez la volonté d'accepter le mieux, aidez-le de vos opinions et de vos voeux. Ne pas être vaincu, être quelqu'un contre qui la Fortune ne peut rien, c'est appartenir à la république du genre humain.

voir l'oeuvre correspondante



Si te ad studia reuocaueris, omne uitae fastidium effugeris, nec noctem fieri optabis taedio lucis, nec tibi grauis eris nec aliis superuacuus; multos in amicitiam attrahes affluetque ad te optimus quisque. Numquam enim, quamuis obscura, uirtus latet, sed mittit sui signa: quisquis dignus fuerit uestigiis illam colliget.
Si tu te replies dans l'étude, tu échapperas complètement au dégoût de la vie ; tu ne souhaiteras pas l'arrivée de la nuit par ennui du jour ; tu ne seras ni importun à toi-même ni inutile aux autres ; tu t'attireras bien des amis, et les meilleurs se presseront chez toi. Même obscure, la vertu ne reste jamais cachée ; elle donne des signes de son existence ; tous ceux qui en sont dignes sauront la reconnaître à ses traces.



Miscenda tamen ista et alternanda sunt, solitudo et frequentia. Illa nobis faciet hominum desiderium, haec nostri, et erit altera alterius remedium: odium turbae sanabit solitudo, taedium solitudinis turba.
Solitude et société doivent se composer et se succéder. La solitude nous donnera le désir de fréquenter les hommes, la société, celui de nous fréquenter nous-même, et chacune sera l'antidote de l'autre, la solitude nous guérissant de l'horreur de la foule, et la foule, de l'ennui de la solitude.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Sabato

Parfois, je crois que rien n'a de sens. Sur une planète minuscule qui court vers le néant depuis des millénaires, nous naissons dans la douleur, nous grandissons, nous luttons, tombons malades, souffrons, faisons souffrir, nous crions, nous mourons : on meurt et, au même moment, d'autres naissent pour recommencer l'inutile comédie.

retour haut de page

Saint Cyran

Les hommes sont des jouets. Nos vies, des prisons. Quand nous disposons du langage, nous élevons des ruines dans les feuilles mortes et les mousses.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Sartre

Horrible, horrible attente. Il me semble, vous tous,que vous vous éloignez lentement de moi. La pierre n'est pas encore ôtée, et déjà chacun est en proie à ses morts, seul comme une goutte de pluie.

voir l'oeuvre correspondante



Nous ne sommes pas faits pour vivre toujours aux limites de nous-mêmes

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Shakespeare

To be, or not to be: that is the question:
Whether 'tis nobler in the mind to suffer
The slings and arrows of outrageous fortune,
Or to take arms against a sea of troubles,
And by opposing end them? To die: to sleep;
No more; and by a sleep to say we end
The heart-ache and the thousand natural shocks
That flesh is heir to, 'tis a consummation
Devoutly to be wish'd. To die, to sleep;
To sleep: perchance to dream: ay, there's the rub;
For in that sleep of death what dreams may come
When we have shuffled off this mortal coil,
Must give us pause: there's the respect
That makes calamity of so long life;
For who would bear the whips and scorns of time,
The oppressor's wrong, the proud man's contumely,
The pangs of despised love, the law's delay,
The insolence of office and the spurns
That patient merit of the unworthy takes,
When he himself might his quietus make
With a bare bodkin? who would fardels bear,
To grunt and sweat under a weary life,
But that the dread of something after death,
The undiscover'd country from whose bourn
No traveller returns, puzzles the will
And makes us rather bear those ills we have
Than fly to others that we know not of?
Thus conscience does make cowards of us all;
And thus the native hue of resolution
Is sicklied o'er with the pale cast of thought,
And enterprises of great pith and moment
With this regard their currents turn awry,
And lose the name of action.

voir l'oeuvre correspondante



The bright day is done
And we are for the dark
Les beaux jours sont enfuis
Et viennent les ténèbres

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Shannon

We cannot send continuous information exactly over a channel of finite capacity
On ne peut pas envoyer une information continue exactement à travers un canal de capacité finie

retour haut de page

Somoza

Rien de ce qui nous entoure, rien de tout ce que nous savons ou ignorons, n'est complètement inconnu ni complètement connu. Les extrêmes sont des inventions faciles. c'est comme pour la lumière. L'obscurité totale n'existe pas, pas même pour un aveugle, vous ne saviez pas ? L'obscurité est peuplée de choses : formes, odeurs, pensées... Et observez la lumière de cet après-midi d'été. Diriez-vous qu'elle est pure ? Regardez-la bien. Je ne parle pas que des ombres. Regardez entre les fentes de la lumière. Vous voyez les petits grumeaux de ténèbres ? La lumière est brodée sur une toile très obscure mais c'est difficile à voir. Il faut mûrir. Quand nous mûrissons, nous comprenons enfin que la vérité est un point intermédiaire. C'est comme si nos yeux s'accoutumaient à la vie. Nous comprenons que le jour et la nuit, et peut-être la vie et la mort, ne sont que des degrés d'un même clair-obscur. nous découvrons que la vérité, la seule qui mérite ce nom, est la pénombre.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Tchekhov

A ces instants-là, je lui pardonne le mensonge et la chute dans cet abîme répugnant, je suis prêt à lui pardonner n'importe quoi pour que revienne ne serait-ce qu'une fois encore une parcelle du passé...

retour haut de page

Teulé

L'avenir chutant montre sa plaie obscène et, en bas, s'éparpillent les hommes et ce qu'ils ont rêvé.

retour haut de page

Tolkien

Three rings for the Elven-kings under the sky
Seven for the Dwarf-lords in their halls of stone
Nine for Mortal men doomed to die
One for the Dark Lord on his dark throne
In the land of Mordor where the shadows lie
One ring to rule them all, one ring to find them
One ring to bring them all and in the darkness bind them
In the land of Mordor where the shadows lie

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Toméo

Nous profitons du moindre petit détail pour nous poser de nouvelles questions. Or le doute n'est pas mauvais, le doute est le principe de la sagesse. Doutons donc de tout ce que nous voyons autour de nous, le doute est tout ce sur quoi les hommes peuvent faire fond.

retour haut de page

Tournier

Il était une fois un homme qui avait eu une escarmouche avec la police. L'affaire terminée, il reste un dossier qui risque de ressurgir à la première occasion. Notre homme décide donc de le détruire et s'introduit à cette fin dans les locaux du Quai des Orfèvres. Naturellement, il n'a ni le temps ni le moyen de retrouver son dossier. Il faut donc qu'il supprime tout le "sommier", ce qu'il fait en incendiant les locaux à l'aide d'un bidon d'essence.
Ce premier exploit couronné de succès et sa conviction que les papiers sont un mal absolu dont il convient de libérer l'humanité l'encouragent a persévérer dans cette voie. Ayant converti sa fortune en bidons d'essence, il entreprend la tournée méthodique des préfectures, mairies, commissariats, etc., incendiant tous les dossiers, tous les registres, toutes les archives, et comme il travaillait en solitaire, il était imprenable.
Or voici qu'il constate un phénomène extraordinaire : dans les quartiers où il a accompli son oeuvre, les gens marchent courbés vers le sol, de leurs bouches s'échappent des sons inarticulés, bref ils sont en train de se métamorphoser en bêtes. Il finit par comprendre qu'en voulant libérer l'humanité, il la ravale a un niveau bestial, parce que l'âme humaine est en papier.

voir l'oeuvre correspondante



A nos coeurs rendus malades par le temps - par l'érosion du temps, par la mort partout à l'oeuvre, par la promesse inéluctable de l'anéantissement de tout ce que nous aimons - l'oeuvre d'art apporte un peu d'éternité. C'est le remède souverain, le havre de paix vers lequel nous soupirons, une goutte d'eau fraîche sur nos lèvres fiévreuses.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Verlaine

Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Vian

Le ciel, assez bas, luisait sans bruit. Pour le moment, on pouvait le toucher du doigt en montant sur une chaise; mais il suffisait d'une risée, d'une saute de vent, pour qu'il se rétracte et s'élève à l'infini...

voir l'oeuvre correspondante



Les lambeaux du temps jadis se pressaient autour de lui, tantôt doux comme des souris grises, furtifs et mobiles, tantôt fulgurants pleins de vie et de soleil - d'autres coulaient tendres et lents, fluides sans mollesse et légers, pareils à la mousse des vagues.
Certains avaient la précision, la fixité des fausses images de l'enfance formées après coup par des photographies ou les conversations de ceux qui se souviennent, impossibles à ressentir à nouveau, car leur substance s'est évanouie depuis longtemps.
Et d'autres revivaient, tout neufs, comme il les rappelait à lui, ceux des jardins, de l'herbe et de l'air, dont les mille nuances de vert et de jaune se fondent dans l'émeraude de la pelouse, foncé au noir dans l'ombre fraîche des arbres.

retour haut de page

Villiers de l'Isle Adam

O toi qui n'a point l'asile de tes rêves, et pour qui la terre de Chanaan, avec ses palmiers et ses eaux vives, n'apparaît pas, au milieu des aurores, après avoir tant marché sous de dures étoiles, voyageur si heureux au départ et maintenant assombri, coeur fait pour d'autres exils que ceux dont tu partages l'amertume avec des frères mauvais, regarde! Ici l'on peut s'asseoir sur la pierre de la mélancolie! Ici les rêves morts ressuscitent, devançant les moments de la tombe! Si tu veux avoir le véritable désir de mourir, approche : ici la vue du ciel exalte jusqu'a l'oubli.

voir l'oeuvre correspondante

voir l'oeuvre correspondante



Est-ce que l'âme des violoncelles est emportée dans le cri d'une corde qui se brise?

voir l'oeuvre correspondante



Eterniser une seule heure de l'amour, - la plus belle, - celle par exemple ou le mutuel aveu se perdit sous l'éclair du premier baiser, oh! l'arrêter au passage, la fixer et s'y définir! Y incarner son esprit et son dernier voeu! Ne serait-ce donc point le rêve de tous les êtres humains? Ce n'est que pour essayer de ressaisir cette heure idéale que l'on continue d'aimer encore, malgré les différences et les amoindrissements apportés par les heures suivantes. - Oh! ravoir celle-la, toute seule! - Mais les autres ne sont douces qu'autant qu'elles l'augmentent et la rappellent! Comment se lasser jamais de rééprouver cette unique joie : la grande heure monotone! L'être aimé ne représente plus que cette heure perpétuellement à reconquérir et que l'on s'acharne en vain à vouloir ressusciter. Les autres heures ne font que monnayer cette heure d'or! Si on pouvait la renforcer des meilleurs instants, parmi ceux des nuits ultérieures, elle apparaîtrait comme l'idéal de toute félicité réalisée.



Salut, jeune homme insoucieux !
L'espérance pleure a ma porte
L'amour me maudit dans les cieux.
Fuis-moi ! Vas-t-en ! Fermes les yeux !
Car je vaux moins qu'une fleur morte.



O belles soirées ! Devant les étincelants cafés des boulevards, sur les terrasses des glaciers en renom, que de femmes en toilettes voyantes, que d'élégants flâneurs se prélassent !
Voici les petites vendeuses de fleurs qui circulent avec leurs corbeilles.
Les belles desoeuvrées acceptent ces fleurs qui passent, toutes cueillies, mystérieuses... Mystérieuses ? - Oui, s'il en fut !
Il existe, sachez-lez, souriantes liseuses, il existe, à PAris même, certaine agence sombre qui s'entend avec plusieurs conducteurs d'enterrement luxueux, avec des fossoyeurs même, à cette fin de desservir les défunts du matin en ne laissant pas inutilement s'étioler, sur les épultures fraîches, tous ces splendides bouquets, toutes ces couronnes, toutes ces roses, dont par centaines, la piété filiale ou congugale surcharge quotidiennement les catafalques.
Ces fleurs sont presque toujours oubliées après les ténébreuses cérémonies. L'on n'y songe plus, l'on est pressé de s'en revenir - celà se conçoit !
C'est alors que nos aimables croque-morts s'en donnent à coeur-joie. Ils n'oublient pas les fleurs, ces messieurs ! Ils ne sont pas dans les nuages ! Ils sont des gens pratiques. Ils les enlèvent par brssées, en silence. Les jeter à la hâte par-dessus le mur, dans un tombereau propice, est pour eux l'affaire d'un instant.
Deux ou trois des plus égrillards et des plus dégourdis transportent la précieuse cargaison chez des fleuristes amies qui, grâce à leurs doigts de fée, sertissent de mille façons, en maints bouquets de corsage et de main, en roses isolées, même, ces mélancoliques dépouilles.
Les petites marchandes du soir alors arrivent, nanties chacune de sa corbeille. Elles circulent, disons-nous, aux premières lueurs des réverbères, sur les boulevards, devant les terrasses brillantes et dans les mille endroits de plaisir.
Et les jeunes ennuyés, jaloux de se faire bien venir des élégantes pour lesquelles ils conçoivent quelque inclination, achètent ces fleurs à des prix élevés et les offrent à ces dames.
Celles-ci, toutes blanches de fard, les acceptent avec un sourire indifférent et les gardent à la main - ou les placent au joint de leur corsage.
Et les reflets du gaz rendent les visages blafards.
En sorte que ces créatures-spectres, ainsi parées des fleurs de la Mort, portent sans le savoir, l'emblème de l'amour qu'elles donnent et de celui qu'elles reçoivent.

voir l'oeuvre correspondante

voir l'oeuvre correspondante

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Vuillard

Que c'est délicat un flocon ! On dirait un petit secret fatigué, une douceur perdue, inconsolable.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Wilde

One does not see anything until one sees its beauty. Then, and then only, does
it come into existence.
On ne voit rien tant qu'on en a pas vu la beauté. Alors, et seulement alors, cela accède-t-il à l'existence.

voir l'oeuvre correspondante



For what is nature ? Nature is no great mother who has borne us. She is our creation. It is in our brain that she quickens to life. Things are because we see them. And what we see, and how we see it, depends on the arts that have influenced us. To look at a thing is very different from seeing a thing. One does not see anything until one sees its beauty. Then, and then only, does it come into existence.

voir l'oeuvre correspondante

retour haut de page

Wittgentstein

Die Welt ist alles, was der Fall ist
Le monde est tout ce qui est

voir l'oeuvre correspondante



Simplex sigillum veri
Le simple est le sceau du vrai

voir l'oeuvre correspondante